Tendances sur les prix et la production de whisky
… ou quelques réflexions sur la situation actuelle du marché.
Lors de ces deux dernières années, le marché du whisky a évolué dramatiquement, avec un nombre toujours plus important de nouveaux produits, la « prémiusation » (le positionnement des whiskies single malt dans la gamme produit super de luxe), ainsi que d’une augmentation des investissements dans le domaine du marketing, résultant en de nouveaux emballages, de nouvelles gammes et de prix significativement plus élevés pour les single malts les plus âgés. Parallèlement, les ventes ont augmenté grâce aux nouveaux marchés tels que le BRIC (Brésil, Russie, Inde et chine).
Par loi, le Scotch whisky doit être maturé pendant un minimum de 3 ans. La plupart des single malts whiskies sont âgés de 10 à 15 ans. Le problème pour l’industrie du whisky est donc de prévoir le volume du marché dans 10-15 ans. D’après les estimations d’Euromonitor, le volume total de whisky devrait augmenter de 22.3% entre 2007 et 2012.
Afin d’anticiper cette demande, depuis 2006, la plupart des distilleries écossaises ont augmenté leur production, avec la plupart des distilleries produisant désormais à pleine capacité. De plus, des programmes d’extension ont été conduits ou sont en préparation (p. ex., Balvenie et The Glenlivet), des distilleries sont sorties de leur sommeil (p. ex., Tamnavulin, Glenglassaugh ou Braeval) et de nouvelles distilleries sont construites ou planifiées (p. ex. Port Charlotte, Huntly et Roseile). Les distillateurs réservant désormais leurs stocks pour eux-mêmes, cela pose des problèmes pour les embouteilleurs indépendants pour réapprovisionner leurs stocks et les poussant à produire eux-mêmes du whisky (p. ex. Gordon & McPhail avec BenRomach, Signatory et Edradour, ainsi que Duncan Taylor et leur distillerie é Huntly).
Depuis l’année passée, j’ai commencé de poser des questions à des manageurs de distillerie et d’autres hommes ayant passé la plus grande partie de leur vie dans le domaine concernant le whisky loch.
Le whisky loch fut le terme utilisé pour la surproduction de whisky dans les années 1980. Après la deuxième guerre mondiale, la demande de whisky a continuellement progressée. Dans les années 1970 des programmes d’extension et de construction de nouvelles distilleries ont eu lieu (p. ex., Allt-a-bhaine, Braeval ou Clyenlish ) afin de faire face à cette demande. Malheureusement, les ventes n’avaient pas suivi cette tendance et la crise du pétrole dans les années 1970s ont conduit à la surproduction et l’accumulation d’énormes stocks de whiskies (whisky loch). Cela conduisit les propriétaires de distillerie, comme par example, Diageo d’annoncer la fermeture de 11 distilleries, dont Port Ellen, Brora, St-magdalène. De plus, afin d’écouler ces énormes stocks, les fûts se vendaient parfois en dessous du prix de remplissage.
Pour revenir à la situation actuelle, avec cet optimisme digne des années 1970, les hommes interrogés qui ont vécu ce triste épisode, redoute que cette histoire se reproduise à nouveau. Par contre, si l’on questionne les représentants, la confiance et l’optimisme est de rigueur. Les ventes sont en progression et le potentiel de ventes dans les pays du BRIC est énorme. Quant à savoir si les ventes bénéficient des derniers plans du marketing (repackaging), difficile de séparer l’effet de nouvel emballage de l’augmentation générale de la demande. Du point de vue du consommateur, lors que l’on interroge les amateurs de whisky dans les événements liés au whisky (p. ex., Feis Ile ou Speyside Whisky Festival), ils se plaignent de plus en plus de la premiusation des whiskies et de leurs prix.
Cette flambée des prix risque de s’accentuer d’avantage car plusieurs compagnies (p. ex., LVMH et Morrison Bowmore) se retirent de la grande distribution (p. ex., Tesco et Carrefour) afin de s’orienter vers des segments plus ciblés à plus haute valeur ajoutée (commerces spécialisés) pour renforcer l’image de luxe de leur produits.
Le résultat est une augmentation plus que substantielle des prix, ce qui risque de mettre les singles malts hors de portée de la plupart de ses fidèles adeptes.
J’ai l’impression que ces entreprises s’orientent d’avantage vers les profits à court terme et sont entrain de perdre leur approche pragmatique. Est-ce que cela est lié au fait qu’un certain nombre de nouveaux venus dans ce domaine ont une expérience limitée de cette industrie ? Les temps de la DCL et de W. Ross semblent être de l’histoire ancienne…
Depuis plusieurs semaines, la crise financière mondiale se développe et risque de modifier les habitudes de consommation. Des millions d’américains se battent pour conserver leur travail et leur maison, alors qu’en Europe, des milliers de banquiers craignent pour leur avenir, et plusieurs centaines de million de consommateur dans l’attente des répercussions de cette crise sur leur vie.
Est-ce que cela va avoir un impact sur l’industrie du whisky ? Attendons pour voir. Si une réduction de la production devrait avoir lieu l’année prochaine, alors les prédictions devront peut être revues à la baisse ?
Mon espoir est que ces compagnies réfléchissent un peu plus sur la capacité financière de leurs fidèles clients. Se précipiter vers les nouveaux marchés est une bonne chose, mais dans ces pays, le whisky peut passer de mode aussi rapidement qu’il s’est développé.
Dans tous les cas, ces mêmes entreprises produisent d’énormes quantités de whisky, dont la qualité est généralement meilleure que par le passée. Dans le cas d’un whisky loch, on aura plein d’excellent whisky à prix cassé.
Slainte
Patrick
P.Brossard ©22 Oct 08